On peut utiliser toutes les techniques de communication que l’on veut pour améliorer nos relations. Essayer d’appliquer les « règles » du consentement du mieux qu’on peut. Sans les trois prérequis ci-dessous, à commencer par la conscience de soi, j’ai le sentiment que le résultat n’est pas à la hauteur de nos aspirations.
C’est en réfléchissant à la spécificité de l’action de l’Oasis Tactile qu’est née cette illustration.
Quelques définitions
Voici comment nous utilisons ces mots et cherchons à les développer au sein des ateliers consentement de l’Art du Choix.
Conscience de soi
La démarche : Ralentir pour observer, croire et valoriser les perceptions internes
Le résultat
- Clarté sur les limites
- Clarté sur les désirs
- Perception des réactions de défense (ressenti, pensées, comportements)
Sentiment de sécurité
La démarche : Prendre conscience des dynamiques internes et externes qui soutiennent le sentiment de sécurité
Le résultat
- Sensibilité aux facteurs d’insécurité personnels, relationnels et systémiques
- Identification des dynamiques de pouvoir
- Apprivoisement de son système d’alerte
Conscience de l’autre
La démarche : Considérer l’autre non comme un moyen au service de mes fins ou un élément de décor de mon monde mais comme un être doté de désirs et limites propres
Le résultat
- Responsabilité de ses désirs
- Curiosité pour les désirs et limites de l’autre
- Souplesse quelle que soit la réponse
Assertivité
C’est le fait d’avoir les capacités d’agir au mieux de son intérêt, de défendre son point de vue sans anxiété excessive, d’exprimer avec sincérité et aisance ses sentiments et d’exercer ses droits sans dénier ceux des autres).
Consentement
Se mettre d’accord avec l’autre, ou les autres, sur ce que l’on va faire après. Plus qu’une permission, cela implique de s’intéresser aux désirs et limites de chacun et d’agir avec curiosité, intégrité et générosité.
Conscience de soi, de l’autre : base des relations
En ateliers, on cherche à développer des relations saines, équilibrées et créatives. On pourrait aussi dire joyeuses ou épanouissantes.
Avec le temps, et après avoir navigué entre différentes approches (CNV, Espère, écoute active…), je constate qu’avant d’appliquer la moindre « technique de communication », trois fondamentaux semblent nécessaires :
- Ai-je conscience de moi-même, de mes élans, sensations, limites ?
- Ai-je conscience de l’autre ? Suis-je en capacité de le considérer comme un être qui a ses propres aspirations en dehors de moi ? (quoi??? des gens existent en dehors de moiiiiii ?)
- Chacun se sent-il en sécurité de dire ou faire ce qui est juste pour lui sans craindre jugement, rejet ou représailles ?
De mon côté, je me rends compte que mon sentiment d’insécurité est très présent dans mes relations. Il commande nombre de mes comportements et réactions. Je pense aujourd’hui que c’est peut-être le principal frein dans ma relation à l’autre. L’insécurité et sa gestion occupe mon attention et mes pensées… je suis tournée vers moi au point que cela peut me couper de l’autre… Je cite souvent F. Ledoux : « Tant que je me protège, je ne peux pas créer » créer un lien, un dialogue, un accord.
Différentes formes d’insécurité
L’insécurité, ce n’est pas uniquement se recroqueviller dans un coin. Ca peut être s’hyper-adapter avec enthousiasme, rester à distance incapable du premier pas, se sentir tarte et passer pour une truffe, répondre à une question simple de manière hyper-analytique et perdre la moitié de la table en cours de route, entrer dans des joutes de pouvoir sur des trucs débiles ou rire trop fort et trop souvent… Ca ne se voit même pas toujours de l’extérieur, ouvrant la porte à nombre de qui pro quo.
L’un des plus beaux cadeaux que l’on peut se faire dans une relation, c’est s’aider l’un l’autre à se sentir en sécurité. Cadeau peut-être plus beau, plus primitif, que l’amour car sans lui, même l’amour est difficilement entendable. On peut jouer la comédie de l’amour ou du couple, sans qu’au fond la rencontre puisse véritablement avoir lieu, car au moins l’une des coquilles reste bien fermée. Même si un sourire est affiché sur la paroi extérieure.
Créer un climat de confiance
Créer un climat de confiance, c’est créer un espace dans lequel on peut dire et demander des choses qui viennent de nous, sans avoir peur du rejet et où l’on offre cette même possibilité à l’autre. C’est à ce moment-là que l’on commence à rencontrer cet autre que l’on connaît parfois depuis 5 ans ou 5 minutes.
Dans les feedbacks d’ateliers de l’Oasis Tactile, l’étonnement sur le niveau de complicité, de confiance que les participants ressentent après 2h est souvent nommé dans les points forts. Je fais le pari que ressentir cette confiance est comme une graine de possible semée. Si on a senti que ça pouvait exister et que c’est savoureux, il y a plus de chances pour que la graine se développe. Dire ou entendre « ça va, ici tu peux tout dire » ne suffit pas. Il faut l’avoir ressenti et éprouvé dans le corps de nombreuses fois. Comprendre et vouloir ne suffit pas si l’armure n’est pas ramollie ou déposée.
C’est ce qui me touche le plus profondément dans la pratique du consentement proposée par la Roue du Consentement ou les Cuddle Party que je m’efforce de diffuser en France. On travaille certes l’assertivité et les compétences associées : faire des demandes claires, des réponses authentiques et apprendre à accueillir avec souplesse les demandes et réponses de l’autre.
Apprendre dans la douceur
Et, à aucun moment, il ne s’agit de pousser, de se forcer ou de se faire violence pour « réussir » à le faire. Ce n’est pas tant telle ou telle demande qui compte. C’est plutôt la réorganisation de mon système, son apprivoisement progressif pour que la possibilité de demander ou de répondre avec authenticité devienne une option plausible dans le paysage. Gagner progressivement la conscience que si je ne suis pas bien, c’est qu’il y a de la place pour être mieux. Que le malaise est simplement en train de m’inviter à chercher un moyen d’être mieux.
J’aime bien dire que la pratique du consentement dans cette vision large, nous invite à regarder derrière le rideau. Devant, on est beaucoup à faire semblant d’être là ou d’être à l’aise. Alors que derrière le rideau c’est le flip et on mijote avec nos doutes, incertitudes et vieilles hontes. Les ateliers permettent de visiter et partager nos « backstages » en sécurité et de s’entraîner ensemble à communiquer plus clairement. On pratique, on constate qu’on est toujours là, toujours vivant, toujours bienvenue, toujours aimé. On s’étonne, on accueille et on recommence.
Et petit à petit, la sécurité grandit et avec elle, la qualité de la relation à soi et à l’autre évoluent vers plus de joie, d’humour, de douceur et de kif.