Polémique sur le programme d’éducation à la sexualité à l’école

Cette semaine, les médias ont parlé du désaccord entre la ministre de l'éducation et le ministre délégué à la réussite scolaire sur le nouveau programme d'éducation à la sexualité. Ce débat (re)met en lumière les peurs autour de l'enseignement sur ce thème, pourtant obligatoire depuis 2001 en France, pour tout élève.

Cette semaine, les médias ont parlé du désaccord entre la ministre de l’éducation et le ministre délégué à la réussite scolaire sur le nouveau programme d’éducation à la sexualité. On dit aussi éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle.

[ Retrouvez ici l’article dans lequel j’analyse le-dit programme pour voir comment y est traitée la notion de consentement. Cliquez sur ce lien pour lire l’article. ]

Ce débat (re)met en lumière les peurs autour de l’enseignement sur ce thème, pourtant obligatoire depuis 2001 en France, pour tout élève. Le débat se cristallise autour des questions de genre et d’une crainte d’exposition précoce à la sexualité en classe.

Le débat m’a rappelé cette question que l’on m’a posé à l’apéro cet été : « Est-ce que c’est vrai qu’on enseigne la masturbation aux enfants à l’école ?« 

Ma mère dit souvent : « Mieux vaut entendre ça que d’être sourd », elle n’a pas tort 😉

De quoi parle l’éducation à la sexualité à l’école ?

Dans le cas où certains auraient des doutes : non, l’éducation à la sexualité n’est pas un workshop d’initiation aux « pratiques sexuelles ».

Rappelons-le d’ailleurs, à toutes fins utiles : la sexualité* ne se résume pas à des pratiques sexuelles ou au frotti-frotta des organes. Elle englobe le biologique certes, mais aussi le psychologique et l’affectif, le cognitif, le relationnel, le socio-culturel, la morale / spiritualité / religion, le légal et l’éthique. Ca touche directement les notions comme : oser dire, savoir sentir, se connaître, respecter, reconnaître nos croyances limitantes, essayer, construire avec l’autre, écouter, se sentir libre, savoir recevoir, changer d’avis, faire pour soi, repérer nos peurs, nos hontes et nos divers freins à des relations satisfaisantes. Et nous pourrions même, parfois, parler d’amour ! Diantre, how shocking is that ? 

L’éducation à la sexualité, c’est beaucoup d’éducation à la relation

L’éducation à la sexualité peut donc passer des heures à parler relations, estime de soi, communication, empathie, etc.. Soit largement de quoi faire pendant des années, avant d’évoquer le moindre poil pubien ! 

D’ailleurs, observez la subtilité dans les intitulés de programme entre maternelle, primaire et lycée : 

Dans le cadre du DU d’Education à la vie affective relationnelle et sexuelle validé cet été, il est bien enseigné d’adapter les séances à l’âge des participants. Si on aborde la sexualité, on part de ce qu’ils savent et on donne de la perspective.

Retour terrain

J’ai suivi des professionnel·le·s dans des classes du CM2 à la 3è + une classe d’IME, une infirmière, une sexologue et un conseillère conjugale et familiale. Jamais je n’ai assisté aux dérives craintes par les associations. Ca ne veut pas dire que ça n’arrive jamais (comme nombre de choses insensées qui se passent chaque minute dans le monde).

Pour ma part, face au risque, je mets dans la balance ceci : 
– l’état globalement insatisfaisant de l’estime de soi, de notre capacité à communiquer et à soigner nos relations à l’âge adulte 
– les stats sur le taux d’équipement en smartphone des pré-ado, sur la faiblesse d’utilisation du contrôle parental, sur la consultation de porno dès 9-10 ans et sur la prévalence des violences sur et entre les enfants. 

En l’occurrence, dans les sessions auxquelles j’ai assisté, on a parlé :

  • puberté avec les CM2 (vous vous souvenez : « ton corps change ») qui leur pose quand même plein de questions ;
  • anatomie et « ce qui se fait / ce qui ne se fait pas » dans les relations à l’IME ;
  • estime de soi et expression de son appréciation pour l’autre avec les 5è (ils ont adoré… ils apprennent peu à se dire des choses gentilles et sincères, on dirait) ;
  • En 3è : on est parti de ce que les élèves savaient à partir de cette question : qu’est-ce qui est autorisé / interdit en France en matière de sexualité. Avec quelques passages obligés dont la contraception, le consentement et l’homophobie. Et force est de reconnaître qu’ils savent déjà beaucoup. 
  • culte du corps parfait (dopé aux filtres et retouches) vs accepter son corps avec des 5è.

Lisez le programme d’éducation à la sexualité

Lisez le programme pour vous faire un avis, il est bien fait. Il aborde des questions qui sont trop souvent traitées dans la rubrique faits divers. Il se positionne entre prévention et construction des bases culturelles nouvelles. 

Si je devais dire une chose, c’est que je regrette l’ancrage trop « cognitif » du programme, qui confond « savoir » et « pouvoir ». C’est pourquoi je continue de croire dans l’utilité d’ateliers annexes qui permettent de « faire l’expérience » de ce dont on parle. Les relations ce n’est pas que connaître des codes, mais savoir et pouvoir être en relation quand il y a du stress ou de l’émotion.

Mais c’est un très bon début. Et puis, ça ne fait que 23 ans que ces séances d’Education affective, relationnelle (et sexuelle) sont obligatoires. Qui sait, avec ce programme on arrivera peut-être à dépasser les 15 à 20% d’élèves qui en bénéficient 😉 

Pour contribuer, l’Art du choix propose des ateliers expérientiels, adaptables sur mesure pour les établissements  : 

Bonne lecture à tous et à bientôt,

Magali

* Pour un accompagnement individuel ou en couple, directement en lien avec la sexualité, nous recommandons Sophie Greene, Sexologue (Orléans). 

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